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C'était mon sixième film
et j'avais 28 ans.
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J'avais envoyé mon script à Kinski,
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et 2 jours plus tard,
le téléphone sonna, à 3 heures du matin.
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Au début, je n'entendais
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que des cris inarticulés
à l'autre bout de la ligne.
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C'était Kinski.
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Au bout d'une demi-heure environ,
j'ai fini par comprendre :
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Le scénario l'avait enchanté,
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et il voulait le rôle d'Aguirre.
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Lors du tournage
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d'"Aguirre",
on a dû affronter deux problèmes.
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D'abord, le budget.
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Je n'arrive pas à m'imaginer aujourd'hui
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qu'on ait pu tourner le film
avec seulement 370000 dollars.
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Personne ne voulait le financer,
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et pendant des années,
personne n'a voulu le voir.
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L'autre problème, c'était Kinski.
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En effet, il venait juste d'interrompre
sa tournée de "Jésus".
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Il avait joué dans de grandes salles,
comme le Palais des Sports de Berlin.
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Et le public n'y allait
que pour le voir piquer ses colères.
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On se moquait de lui.
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Il piquait d'horribles crises de nerfs,
se déchaînait et criait.
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Et il arriva sur le tournage
en Jésus incompris et bafoué,
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et ce rôle lui plaisait,
il ne vivait plus qu'à travers lui.
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On pouvait à peine lui parler,
car il répondait comme s'il était Jésus.
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A ses débuts,
il s'identifiait souvent à ses rôles.
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Ce fut le cas pour François Villon,
le poète vagabond,
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ou pour "l'Idiot" de Dostoïevski,
plus tard aussi pour Paganini.